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Présentation de mon site personnel
1. La magnificence de la vie
Ce petit site de photographies personnelles est dédié à la mémoire du philosophe Michel Henry, qui nous a quittés en 2002. C'est au travers de la lecture de quelques uns de ses admirables ouvrages qu'il m'a appris à écouter la musique et à regarder la peinture avec le cœur et avec amour, et par conséquent à « voir l'invisible », comme il le dit dans le titre d'un très beau livre qu'il a consacré au peintre Vassily Kandinsky. Il m'a en quelque sorte ouvert les yeux de l'esprit sur la réalité intérieure et sur la profondeur affective de la vie par la simple fréquentation de la parole de vie qui souffle dans toute son œuvre philosophique, alors que j'étais à l'époque noyé dans les équations physiques et dans les formules mathématiques les plus abstraites.
Le titre « la magnificence de la vie » que j'ai finalement donné à ce site, est issu d'un livre remarquable que Gabrielle Dufour-Kowalska a consacré à la philosophie de Michel Henry, et qu'elle a intitulé Michel Henry. Passion et magnificence de la vie [1]. Il fait aussi référence à un passage du livre C'est moi la Vérité dans lequel Michel Henry parle de l'infinie jouissance de soi et de la magnificence du vivre [2]. Mon souhait était en effet de consacrer ce site personnel au partage et à la diffusion d'une véritable culture de la vie, qui permette à celui ou celle qui s'en nourrit intérieurement de se sentir davantage, de s'éprouver soi-même plus intensément et de s'accroître de soi, comme le dit Michel Henry [3, 4].
2. La contemplation d'une image
Ce qui m'importe le plus lorsque je fais de la photographie, ce n'est pas la fleur qui est photographiée ou représentée sur la photo, le nom que lui donnent les scientifiques ou l'espèce à laquelle elle appartient objectivement, mais l'image purement subjective qu'elle me permet d'obtenir, les formes et les couleurs dont elle est formée, la beauté intérieure et absolument subjective de cette image. L'important à mes yeux n'est donc pas l'objet photographié, mais la composition presque abstraite qui résulte de la juxtaposition des formes et des masses colorées assez vives et plus ou moins floues présentes sur l'image, et surtout la sonorité intérieure de l'ensemble, son aptitude à émerveiller et peut-être même à combler de joie celui qui prend le temps de la contempler avec amour et qui fait l'effort de vraiment la regarder.
Car il ne suffit pas d'avoir la chance de posséder des yeux objectivement en bonne santé pour y voir véritablement, c'est-à-dire pour savoir s'en servir subjectivement et pour être capable d'admirer tout ce qui mérite vraiment de l'être. Et ainsi pouvoir partager la joie que portent secrètement en elles certaines images et qui ne se dévoile qu'à celui ou celle qui fait l'effort de les regarder et de les contempler avec un cœur accueillant et aimant [5]. Cela suppose un certain apprentissage et un minimum d'exercice de ce pouvoir subjectif afin de développer et d'affiner notre sensibilité par la pratique patiente et attentive de cette faculté merveilleuse qu'est le regard [6].
3. L'écoute de la musique
Il en va de même avec l'écoute authentique et attentive de la musique, lorsqu'elle n'est pas réduite à un bruit de fond accessoire et inoffensif ou à un rythme très monotone destiné uniquement à s'amuser bruyamment en dansant dessus et dépourvu de toute profondeur et de tout effet durable sur le sentiment qui nous habite. Ecouter de la musique suppose un certain effort et une certaine attention de la part de l'auditeur, une certaine qualité d'écoute est nécessaire pour qu'elle puisse nous toucher et nous émouvoir.
J'ai présenté sur ce site mes compositeurs, mes groupes et mes albums préférés. Même si je n'apprécie pas avec un même enthousiasme la totalité des morceaux présents sur ces albums. C'est pourquoi j'ai fait l'effort d'évaluer de façon purement subjective l'intérêt de chaque morceau de musique et de chacune des chansons individuellement. Sachant que ce qui m'intéresse avant tout dans la musique, quelque soit le style musical auquel elle appartient, c'est sa beauté intérieure, son aptitude à nous émouvoir, à faire vibrer les cordes sensibles de notre âme et si possible à apporter un peu de bonheur à celui ou celle qui l'écoute et l'accueille avec bienveillance et reconnaissance.
4. La culture de la vie
Je présente également la description de quelques uns de mes livres préférés de Michel Henry et de Vassily Kandinsky au travers des articles que j'ai rédigé dans l'encyclopédie libre Wikipédia et de ce que j'en ai dit dans divers forums de discussion. Même si je ne partage pas toujours l'avis exprimé par ces auteurs sur tous les sujets abordés dans ces livres. Mais il faudrait presque s'amuser à noter chaque chapitre individuellement ou même chaque paragraphe, et leur attribuer plus ou moins d'étoiles selon leur intérêt, leur difficulté ou leur profondeur. Je crois que les ouvrages de Michel Henry auraient beaucoup d'étoiles dans chacune de ces trois rubriques, même si l'on peut trouver des passages plus accessibles et presque compréhensibles par le commun des mortels en cherchant bien.
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En conclusion de son essai sur La Barbarie, Michel Henry parle au sujet de la culture de brefs propos, d'indications hâtives et de quelques références que se transmettent des individus esseulés lorsqu'ils se reconnaissent marqués du même signe [7]. Mon principal souhait, en partageant ainsi quelques unes de mes photographies personnelles préférées, quelques fragments de livres que je trouve intéressants et un peu de musique qui me semble vraiment belle, est simplement de contribuer modestement à faire sortir ce qui relève à mon avis de la culture de la vie de la clandestinité dans laquelle elle est plongée dans notre monde moderne et dans notre société occidentale en état de crise permanente, où règnent et s'expriment malheureusement surtout la violence, la haine et la barbarie [8]. Afin que partout la souffrance se transforme en joie et que partout renaisse la vie éternelle, cet amour infini qui illumine notre cœur et transfigure la création tout entière [9, 10, 11, 12].
5. La multiplication des pains
Après avoir longtemps hésité, je me suis finalement décidé à autoriser la diffusion libre et gratuite des photographies de la nature exposées sur ce site, du moins pour une utilisation non commerciale. La principale raison de ce choix est de permettre la diffusion la plus large possible de ces images qui témoignent de la beauté intérieure de la vie, et d'atteindre même les personnes qui n'ont pas un accès haut débit et permanent à Internet. Car les ordinateurs ne permettent pas seulement de faire des copies illégales de produits commerciaux ineptes pour avoir le droit d'aller en prison, il est aussi possible de faire des copies parfaitement légales d'images libres de droits, et de les partager gratuitement avec les autres. C'est sans doute moins amusant et moins excitant que de transgresser les lois, mais c'est finalement moins risqué et bien plus enrichissant.
« La beauté sauvera le monde », disait Dostoievski. Je n'ai pour ma part que quelques centaines ou quelques milliers d'images à partager avec les autres, dont quelques unes seulement sont vraiment intéressantes, d'une beauté intérieure presque miraculeuse. Mais qu'est-ce que cela pour nourrir une si grande foule, et pour sauver le monde de la destruction à laquelle il aspire secrètement [13, 14] ? Une foule immense composée de milliards d'hommes et de femmes, d'enfants et de vieillards, tous affamés de cette nourriture invisible et pourtant lumineuse qui calme toute Faim, et assoiffés de cette eau pure et limpide qui jaillit de l'intérieur et apaise toute Soif [15, 16, 17]. Par le miracle de la technique, il est désormais possible de multiplier presque gratuitement et à l'infini cette beauté, et de la répandre partout sur le monde pour guérir les nations de la haine qui les ronge de l'intérieur. La « parabole » de la multiplication des pains est peut-être en train de se réaliser à l'échelle planétaire, en ce moment même, par l'intermédiaire de ce petit site personnel et d'autres semblables...
[18, 19]
Philippe Audinos Grenoble, le 11 novembre 2012
Notes et références
- [1] Gabrielle Dufour-Kowalska, Michel Henry. Passion et magnificence de la vie, éd. Beauchesne, 2003.
- [2] « "Héritiers" veut dire héritiers de la Vie, de cette Vie qui est le comble de la grâce et de toutes les bénédictions : hors d'elle, il n'y a rien, en elle se tient l'infinie jouissance de soi, la magnificence du vivre. » (Michel Henry, C'est moi la Vérité, éd. du Seuil, 1996, p. 143)
- [3] « Qu'est-ce donc que la culture ? [...] "Culture" désigne l'autotransformation de la vie, le mouvement par lequel elle ne cesse de se modifier soi-même afin de parvenir à des formes de réalisation et d'accomplissement plus hautes, afin de s'accroître. » (Michel Henry, La Barbarie, éd. Grasset, 1987, p. 14)
- [4] « Quelle est l'essence de la vie ? Non pas seulement l'épreuve de soi mais, comme sa conséquence immédiate, l'accroissement de soi. S'éprouver soi-même, à la façon de la vie, c'est venir en soi, entrer en possession de son être propre, s'accroître de soi en effet, être affecté d'un "plus" qui est un "plus de soi-même". Et ce plus n'est pas l'objet d'un regard, d'une évaluation quantitative : comme accroissement de soi et comme épreuve de son être propre, il est une manière de jouir de soi, il est la jouissance. C'est pour cela que la vie est un mouvement : l'éternel mouvement du passage de la Souffrance dans la Joie, pour autant que l'épreuve que la vie fait de soi est un Souffrir primitif, ce sentiment de soi la livre à elle-même, dans la jouissance et dans l'ivresse de soi. » (Michel Henry, Voir l'invisible, éd. François Bourin, 1988, pp. 209-210)
- [5] Comme le dit Anne Henry, dans un entretien intitulé "Vivre avec Michel Henry" et publié dans le livre Auto-donation. Entretiens et conférences, Beauschene, 2004, p. 259 : « Non, notre but n'était pas la beauté. C'était tout simplement une affaire de jouissance, semblable à celle que donne la musique. Un sentiment de plaisir qui vous prend au plus profond et touche bien au-delà du regard. »
- [6] Michel Henry oppose aux formes grossières, frustres et rudimentaires d'accomplissement de la vie, qui relèvent des pratiques de la barbarie, les modalités les plus raffinées et les plus élevées d'accomplissement de la vie, qui appartiennent à la culture et au savoir subjectif de la vie. Chacun, disait Marx, fait la différence entre l'œil grossier et l'œil cultivé. (Michel Henry, La Barbarie, éd. Grasset, 1987, pp. 165-166)
- [7] « Que peut et que devient en cet état la culture ? Elle subsiste au même titre que l'inlassable venue en soi de la vie, que sa parole qui ne se tait jamais tout à fait. Mais elle demeure dans une sorte d'incognito. [...] Transmettre cette culture, permettre à chacun de devenir ce qu'il est, d'échapper à l'insupportable ennui de l'univers techno-médiatique, à ses drogues, à son excroissance monstrueuse, à sa transcendance anonyme, ils le voudraient bien, mais celui-ci les a réduits au silence une fois pour toutes. Le monde peut-il encore être sauvé par quelques uns ? » (Michel Henry, La Barbarie, éd. Grasset, 1987, p. 247)
- [8] « Chassée de la société par l'existence technicienne et médiatique, et puis de l'Université elle-même, la culture est rejetée dans la clandestinité d'un underground où sa nature et sa destination changent complètement. » (Michel Henry, La Barbarie, éd. Grasset, 1987, p. 241)
- [9] « Faute d'épuiser son être en accédant au fond de lui-même dans l'accroissement de soi et ainsi dans l'ivresse de soi, chaque besoin, chaque motion restent comme à mi-chemin d'eux-mêmes, bloqués dans un souffrir qui ne se dépasse plus dans un jouir. Malaise il y a dans la civilisation chaque fois que l'énergie de la vie demeure inemployée [...]. » (Michel Henry, La Barbarie, éd. Grasset, 1987, pp. 180-181)
- [10] « L'art est la résurrection de la vie éternelle. » (Michel Henry, Voir l'invisible, éd. François Bourin, 1988, p. 244)
- [11] « L'autorévélation de la Vie est sa jouissance, l'auto-jouissance primordiale qui définit l'essence du vivre et ainsi celle de Dieu lui-même. Selon le christianisme, Dieu est Amour. L'Amour n'est autre que l'auto-révélation de Dieu comprise dans son essence phénoménologique pathétique, à savoir l'auto-jouissance de la Vie absolue. C'est pourquoi l'Amour de Dieu est l'amour infini dont il s'aime éternellement lui-même, et la révélation de Dieu n'est autre que cet Amour. » (Michel Henry, C'est moi la Vérité, éd. du Seuil, 1996, p. 44)
- [12] « Si donc nous sommes essentiellement force et affect, alors lignes et couleurs permettent l'émergence lumineuse de notre être le plus profond. » (Michel Henry, Voir l'invisible, éd. François Bourin, 1988, page de couverture)
- [13] « Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons ; mais qu'est-ce que cela pour tant de gens ? » (Jean 6,9)
- [14] « En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront pas; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d’eux. » (Apocalypse 9,6)
- [15] « Toute apparence visible se double d'une réalité invisible. Avec chaque bouchée du visible, comme dit Kafka, une invisible bouchée nous est donnée : sur la terre comme au ciel » (Michel Henry, C'est moi la Vérité, éd. du Seuil, 1996, p. 323)
- [16] « Jésus leur dit : Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » (Jean 6,35)
- [17] « Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. » (Jean 4,13-14)
- [18] « Jésus pris les pains, rendit grâces, et les distribua à ceux qui étaient assis ; il leur donna de même des poissons, autant qu'ils en voulurent. Lorsqu’ils furent rassasiés, il dit à ses disciples : Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde. Ils les ramassèrent donc, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restèrent des cinq pains d’orge, après que tous eurent mangé. » (Jean 6,11-13)
- [19] « Car, comme l’éclair resplendit et brille d’une extrémité du ciel à l’autre, ainsi sera le Fils de l’homme en son jour. » (Luc 17,24)
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